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18 janvier 2010 1 18 /01 /janvier /2010 07:35

L’Université d’été du droit des affaires de l’UDS a eu lieu du 31 Août au 1° septembre 2009.

Ces deux jours nous ont permis d’approfondir nos connaissances sur les aspects Internationaux et Nationaux du sauvetage des entreprises en difficulté et la crise financière: tendances et principes généraux en Europe.

Le volet du Droit International Privé a été abordé par le président de séance Mr. Jean – Luc Vallens (Président de chambre à la Cour d’Appel de Colmar, Professeur associé à l’UDS).

Les implications de cet aspect du Droit sur les Droits de l’Homme ont été traitées par Mme Anne- Marie Dougin (Chef de division au greffe de la Cour Européenne des Droits de l’Homme) (I).

A partir du volet National, nous avons eu l’opportunité de comparer différent systèmes juridiques nationaux des intervenants: Anglais, Allemand, Autrichien, Belge, Français, Italiens, Pays-BAS, et Islamique (Mesdames et Messieurs, Jeanne-Marie Tuffery- Andrien, Ellen Delzant, Agnès Fimayer, Emmanuelle Inaco, Michel Storck, D.Marks, Luciani Panzani, Ould Sass Mohamed Bachir, Regis Blazy, Jean Philippe Kovar, Q.Urban, Jérôme Lasserre Decapdeville, Bertrand Chopard, Jean- Daniel Guigon, Nicolas Rontchevsky) (II).

Le bilan de cette étude comparative nous sert de conclusion.

 

I – Le volet International et ses implications en Droits de l’Homme

 

A – L’intervention de Mr Vallens

En introduction, Mr Vallens nous a fait une présentation générale de la procédure collective dont la fonction première repose sur l’appréhension collective des biens d’un débiteur.

En préliminaire, il a dégagé les limites des dispositions consacrées aux aspects internationaux.

Il s’agit: de l’ordre public, de l’intérêt général y compris l’intérêt des créanciers lésés et, la police économique nécessairement marquée par le Droit national.

C’est de cet aperçu qu’il faut comprendre les cinq règles qui dirigent les aspects internationaux d’une procédure collective, à savoir: l’unité du patrimoine (1), l’universalité de la faillite et territorialité des procédures (2), les règles de compétence territoriale (3), l’exequatur des décisions étrangères (4), les principes du règlement communautaire (5).

 

1- L’unité du patrimoine

Elle suppose que le patrimoine d’un débiteur est le gage commun de tous ses créanciers, indépendamment de leur nationalité. Et en ce sens, le règlement communautaire limite les effets de la procédure au territoire où elle est ouverte.

 

2- L’universalité et territorialité des procédures

C’est une combinaison indispensable car, l’universalité de la faillite englobe tout le patrimoine actif et passif d’un débiteur, et la territorialité rattache les mesures d’exécution à un territoire déterminé et  prévoit l’ouverture d’autant de procédures qu’il y a de biens ou d’établissement dispersés dans plusieurs Etats. De ce fait, des règles particulières existent en Droit international privé à l’égard des pays tiers (Etats-Unis ou la Suisse). On en trouve dans peu de conventions bilatérales (la France était liée par de telles conventions à trois Etats Européens: Belgique, Monaco, Autriche; conventions basée sur l’universalité de la procédure et la compétence exclusive du lieu du domicile du débiteur). A l’exception de la convention de Monaco, les autres conventions bilatérales ont cessé de produire leurs effets avec l’entrée en vigueur du règlement communautaire CE n°1346/2000 du 29 mai 2000, JOCE 30 juin, n°L160, p.1, relatif aux procédures d’insolvabilité, depuis le 31 mai 2002. Néanmoins, le Droit international privé Français est essentiellement élaboré par la jurisprudence, contrairement à d’autres Etats (la Belgique, l’Allemagne ou la Suisse) qui ont adopté des règles législatives à cet égard.

 

3- Les règles de compétence internationales

Elles mettent en jeu, les questions de conflit de juridiction et conflit de lois.

Pour l’essentiel, la compétence juridictionnelle détermine la compétence législative.

Mais la loi étrangère reste applicable marginalement que ce soit la loi du contrat ou la loi du lieu de situation d’un bien sur lequel un créancier a une sûreté. Le juge Français doit le cas échéant rechercher lui-même ou avec l’aide des parties le contenu de la loi étrangère (Cass. 1° Civ., 23 janv 2007, Gaz, Pal. 13 et 14 avr. 2007, P.20, note Mélin F.).

 

4- Exequatur des décisions étrangères

Illustrant une meilleure acceptation de l’universalité de la faillite, l’effectivité immédiate du jugement étranger a été reconnue, sous le contrôle du tribunal Français.

Ainsi, avant exequatur, le jugement étranger permet seulement d’accomplir des actes conservatoires sur les biens du débiteur situé en France.

Après exequatur, le jugement étranger produit tous ses effets dès sa reconnaissance.

Elaboré par la jurisprudence de la Cour de cassation, le Droit international privé a dégagé des principes précis, organisant le contrôle des jugements étrangers.

Ces principes sont les suivants:

La procédure étrangère doit présenter un caractère régulier

La décision rendue ne doit pas méconnaître l’ordre public Français

L’absence d’une procédure collective préexistante ouverte en France, compte tenue de l’impossibilité de faire coexister deux procédures collectives à l’égard du même patrimoine.

 

5- Les principes du règlement communautaire

Ces principes sont une harmonisation des règles de conflit de compétence, de conflit de lois, et des règles matérielles.

Toutefois, le règlement communautaire ne traite pas des établissements de crédit, des entreprises d’assurances, ni des organismes de placement de valeurs mobilières qui relèvent d’autres règlementations particulières. Le règlement communautaire ne traite pas non plus de l’insolvabilité des groupes de sociétés. Mais, on y arrive par interprétation extensive du critère du centre des intérêts principaux, contre les risques de Forum Shopping.

 

B – L’intervention de Mme Anne- Marie Douguin

Sous l’angle des Droits procéduraux et des Droits substantiels, Mme Anne- Marie Douguin a examiné la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme sur le contentieux des entreprises en difficulté.

Il ressort de son analyse que les Droits procéduraux en la matière, découlent du Droit au procès équitable de l’article 6 de la convention Européenne des Droits de l’Homme et du Droit de propriété de l’article 1 du protocole n°1 de la même convention.

Elle a énuméré un certain nombre de Droits substantiels que sont:

-Le droit au respect de la vie privée et de la correspondance (article 8),

-Le droit au respect des biens de l’entreprise ou des créanciers (article 1 protocole 1),

-Les droits électoraux (article 3 protocole 1), et

-Le droit de circulation (article 2 protocole 4).

Pour ces droits, la cour admet exceptionnellement, une ingérence des Etats sous la condition de rechercher l’équilibre d’un intérêt général, qu’elle se réserve le droit de vérifier.

En cas de violation de l’une des deux catégories de droits, la cour accorde une satisfaction équitable à la victime.

Les autres interventions nous ont ramené aux aspects nationaux de l’entreprise insolvable et la crise financière.

 

II – Le volet national du sauvetage des entreprises en difficulté et la crise financière

 

Nous avons apprécié ce volet du point de vu, de la forme et du fond du droit applicable.

 

A – Dans la forme

Face à la crise financière, tous les pays des intervenants prévoient un soutien des pouvoirs publics et deux procédures essentielles à la sauvegarde ou la fin d’une entreprise en difficulté.

Pour ces deux procédures, dans le sens où nous parlons de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire; le droit Islamique connu sous le nom de Sharia parle de conciliation (al-ssoulh) et de règlement judiciaire (al-quadâ).

Il convient de dire quelques mots sur le particularisme de la procédure du sauvetage en Droit islamique (1) et la règle de la publicité dans la phase de redressement judiciaire en Droit Français (2).

 

1- Le particularisme de la Sharia

A partir des normes régissant les transactions (fiqh al-mouamalat) et contrairement aux idées reçues, la sharia a très vite opté pour la liberté contractuelle et la reconnaissance du droit au profit. Et contre l’incapacité d’un débiteur à payer ces dettes échues (concept d’iflass), en plus des deux procédures citées ci-dessus, la sharia prévoit une procédure préventive informelle.

Le principe directeur (Maqasid) est que: ‘’le dénouement de toute affaire d’insolvabilité doit s’effectuer dans l’optique d’établir un juste équilibre dans la distribution de droits entre les différents protagonistes (créanciers, débiteur et salariés) tout en préservant les intérêts socioéconomiques de la collectivité (l’Oumma)’’.

Donc à titre préventif, la sharia encourage les crédits solidaires (quard hassan), et le financement participatif (mudharaba: partenariat actif, musharaka mutanakissa: participation financière dégressive) ou toute autre technique respectant les principes du partage de risque et l’adossement du montage financier à des actifs tangibles et non seulement monétaires ou virtuels. C’est une logique partenariale faisant en sorte que les apporteurs du capital partagent réellement avec l’entrepreneur tous les risques inhérents aux activités financées. Il s’agit de mettre la dynamique de la finance en phase avec l’évolution naturelle de l’économie réelle.

Pendant la phase de la conciliation, depuis le 7° siècle, les accords suivants peuvent être conclus: rééchelonnement des dettes, abandon des créances (wadhi’ah), aides publiques pouvant aller jusqu’au 1/8 de la Zakat (recette annuelle constituée des prélèvements socioreligieux). La mobilisation précoce de toutes ces mesures est fortement recommandée.

La phase judiciaire n’est mise en œuvre qu’après l’échec de la phase de conciliation.

 

2 - La règle de la publicité dans la phase de conciliation en Droit Français (2).

‘’En cas d’accord entre les parties et sur demande du dirigeant, l’accord de conciliation peut aussi être homologué par le tribunal si les conditions sont remplies (article L611-8 II). Dans ce cas, le jugement d’homologation est publié au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) et la confidentialité est ainsi perdue. (La loi de sauvegarde des entreprises adoptée le 26 juillet 2005 réformée par l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, entrée en vigueur le 15 février 2009).

Si un accord est impossible à trouver, le débiteur peut alors bénéficier de la nouvelle loi dite de sauvegarde.’’

Certains estiment que la perte de la confidentialité par la publicité au bulletin officiel, entraîne une perte de confiance des autres créanciers dont les créances ne sont pas encore échues, et un risque de méfiance d’éventuels nouveaux apporteurs. Autant de facteurs qui peuvent compromettre les chances de sauvegarde de l’entreprise en difficulté.

On peut aussi penser que c’est une règle qui renforce la protection des intérêts du créancier lésé et dont le concours est indispensable pour la sauvegarde de l’entreprise. Le droit applicable au fond s’inscrit dans cette idée.

 

B – Dans le fond

Toutes les règles applicables au fond, reposent sur la notion de cessation des paiements des créances échues (1) et le comportement fautif qui a entraîné cette cessation (2).

 

1 – La cessation des paiements

Le moment où l’on se situe pour apprécier cette cessation est variable selon les pays. En France pour bénéficier de la nouvelle loi dite de sauvegarde, à la différence de la conciliation, il n’est pas exigé que la société soit en cessation des paiements (L’état de cessation des paiements est caractérisé par l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. C’est une notion comptable. ‘’Seul le redressement judiciaire ou, en cas d’échec, la liquidation judiciaire sont encore envisageables’’).

Désormais, dans l’ensemble des pays, les dirigeants ne sont plus dépouillés totalement de leur prérogative de gestion de l’entreprise en difficulté, ils participent au plan de redressement.

 

2 – La prise en compte du comportement fautif du dirigeant

Tous les intervenants ont évoqués des règles de responsabilité civile ou pénale du dirigeant en fonction de son comportement fautif. La France va plus loin et prévoient une responsabilité pénale ou disciplinaire à l’égard des dirigeants d’établissements financiers qui apportent un soutien abusif à l’entreprise en difficulté. Et pour protéger la loyauté dans la liberté de la concurrence (la prohibition des ententes et abus de position dominante et des aides d’Etat incompatibles avec le marché commun), l’article 87§1 du traité instituant la Communauté européenne, l’article 14 du règlement de procédure n°659/1999/CE, adaptent d’une part, le contrôle des aides d’Etat aux situations d’insolvabilité, d’autre part, le contrôle des concentrations aux situations d’insolvabilité.

La sanction plus ancienne de la mise à mort du débiteur insolvable est révolue. La sanction de l’emprisonnement demeure dans tous les systèmes avec des variantes et se justifie par la rupture de la confiance publique, une atteinte à la bonne foi contractuelle qui mérite quelques précisions.

 

* La bonne foi

A l’heure de la crise financière où l’on incite sur la nécessité de la moralisation des affaires, la tâche est revenue à Mme Jeanne-Marie Tuffery-Andrieu de nous parler du rôle essentiel de la bonne foi; la crédibilité du monde des affaires en dépend.

La bonne foi dit-elle: ‘’est l’opinion où l’on est qu’on agit selon son droit’’. Elle consiste en un fait et varie selon les différents sens que l’on peut attribuer à cette notion à partir de l’usage qu’en font les textes juridiques et selon les systèmes, les considérations morales ou réalités mercantiles. C’est une qualité morale, une croyance erronée et sert à deux critères: un critère de distinction et un critère d’interprétation.

- En tant que qualité morale, être de bonne foi, c’est faire preuve d’un esprit loyal, sincère honnête.

- En tant que croyance erronée, c’est la fausse existence d’une certaine situation juridique à laquelle on a accordé une réalité.

- En tant que critère de distinction, elle permet de dissocier la faillite (cessation des paiements par un commerçant), de la banqueroute (l’état du commerçant en faillite qui se trouve dans le cas de dol ou de faute grave).

- En tant que critère d’interprétation, elle est discrétionnairement définie par les tribunaux. Et interpréter un texte ou un fait juridique, quel qu’il soit, c’est l’interpréter selon son esprit, selon le contexte (sociologique, historique etc. nous dit: Montesquieu) ou selon sa finalité et non en droit strict.

 

Conclusion:

A la fin du colloque Mr Vallens nous a accordé une interview dans laquelle il nous a recommandé d’avoir un reflexe de comparatiste en face d’une situation d’extranéité. Se demander si la loi qu’on veut appliquer est la seule pertinente. Savoir les clauses impératives de compétence car certains litiges en la matière, appellent l’application du droit étranger. On est bien souvent en face d’une situation de juxtaposition du Droit International Privé et du Droit Communautaire qui renvoient au droit national dans le respect des Droits de l’Homme.

 

 

Rapporteur: TRAORE ABDOUL DALI.

 

 

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