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9 mars 2022 3 09 /03 /mars /2022 16:37

 

QUEL AVENIR POUR LA FACULTÉ INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ ?

Vlad CONSTANTINESCO

        Les institutions – même si elles sont censées incarner la durée et la conti- nuité – ne sont pas pour autant immortelles. Les changements de leur environ- nement social, les difficultés que représente leur maintien, l’évolution des attentes de leur public, expliquent que telle institution, d’abord en phase avec son envi- ronnement et avec les demandes qu’elle satisfait peut se trouver, peu à peu, en porte à faux et par rapport à ce qui l’entoure, et par rapport aux besoins qu’elle avait à son origine vocation à satisfaire. On vérifiera cela en résumant de façon cursive ce qu’a été, ce qu’est et ce que deviendra la Faculté internationale de droit comparé.

Les années 1960 virent la naissance, d’abord à Luxembourg, puis à Stras- bourg, d’une institution originale : La Faculté internationale de droit comparé. Aujourd’hui, près de soixante ans après, cette institution sans précédent – et sans équivalent – voit lentement mais sûrement son activité diminuer, peut- être même s’éteindre, à moins qu’elle ne survive, mais au prix d’un change- ment d’ambition.

Ce sont ces soixante ans que nous aimerions parcourir, en hommage au grand comparatiste qu’est Claude Witz, dont les fonctions à la tête du Centre juridique franco-allemand1 de l’Université de la Sarre, les enseignements qu’il y a dispensés et les diverses publications ont marqué ses étudiants et ses collègues. C’est aussi en tant qu’ancien étudiant du Centre d’études juridiques françaises de l’université de la Sarre – heureusement remplacé aujourd’hui par le CJFA – que je lui adresse ces lignes.

La naissance de la FIDC est incontestablement due aux fortes convictions et à l’esprit d’initiative d’un homme, Felipe de Sola Cañizares (Barcelone 1905-

 

  1. Dont l’ancêtre fut le Centre d’études juridiques françaises, véritable enclave de droit français, sans perspective comparatiste, créé en 1955, avant le référendum qui allait permettre à la Sarre de redevenir Allemande.

Strasbourg 1965)2, juriste, mais aussi homme politique3 catalan et espagnol que le destin mena, à la suite de la guerre civile, vers la France. Mais cette initiative n’a pu s’épanouir et connaître un succès indiscutable que parce qu’il existait alors un contexte favorable qu’il convient de commencer par retracer (I).

Ce voyage dans le passé nous montrera tout l’intérêt qu’a suscité dans le petit monde des comparatistes les premières décennies de la Faculté pour l’enseignement du droit comparé4, institution originale à beaucoup d’égards et en tout cas sans équivalent (II).

Cependant, à l’instar de toutes les institutions, la Faculté internationale – la Fac Inter pour ses étudiants – n’a peu à peu plus été en mesure d’attirer le nombreux public qu’elle intéressait à ses débuts, illustrant ainsi le fait que les institutions, elles aussi, sont mortelles si la demande qui les suscitait s’étiole… En cause, une drastique diminution des fidèles soutiens financiers qui lui permettaient de fonc- tionner, mais aussi une série de mutations plus générales d’ordre technique, social, politique et didactique, que l’on abordera dans une troisième partie (III).

 

 

    1. – LA NAISSANCE DE LA FACULTÉ INTERNATIONALE
A BÉNÉFICIÉ D’UN CONTEXTE FAVORABLE

Le besoin de connaître les droits étrangers, de les utiliser pour améliorer le droit national est l’une des premières raisons de l’apparition de ce qu’on appelle

 

  1. V. sa biographie, rédigée par R. DAVID : RID comp. 1965, p. 567 et s. On y trouvera également une bibliographie de ses œuvres, considérable, qui comporte vingt-cinq ouvrages et soixante- quinze articles. Le texte de René DAVID est essentiel pour qui souhaite disposer de détails sur l’originalité et les années de gloire de la FIDC. On trouvera ce texte en activant le lien suivant : http://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1965_num_17_3_14324. On ajoutera à cette évo- cation l’allocution du doyen RODIÈRE évoquant la personnalité de Felipe DE SOLA CAÑIZARES, dans le Bulletin de la Sociéde législation comparée : RID comp. 1966, p. 738 (http://www.per- see.fr/doc/ridc_0035-3337_1966_num_18_3_14645). On ne séparera pas le nom de Felipe DE SOLÀ CAÑIZARES de celui de son épouse, Regina, dont l’opiniâtreté fut pour beaucoup dans la fondation, puis dans le succès de la FIDC. V. sa notice nécrologique due à R. DAVID in RID comp. 1982, p. 430 (http://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1982_num_34_2_3919).
  2. Avocat, conseiller municipal de Barcelone, député aux Cortès sous la IIe République pour la Lliga catalana, mais à égale distance des deux camps en lutte, ne voulant ni ne pouvant pros- pérer sous le régime franquiste, il s’exila France, où les débuts de son séjour furent particuliè- rement difficiles. Ne pouvant s’inscrire au barreau, car ne possédant pas la nationalité française, il ouvrit à Paris un cabinet juridique spécialisé « dans les affaires de sociétés et dans les rapports avec les pays d’Amérique latine » (R. DAVID, art. cit., p. 568). Il soutint, en 1945, après avoir repris des études de droit, une thèse de doctorat devant la Faculté de droit de Paris, consacrée au droit espagnol des sociétés anonymes. Peu avant de mourir, il fut nommé professeur associé à la Faculté de droit de Paris (JO 22 mai 1965).
  3. Telle est sa dénomination officielle attribuée lorsque la Faculté internationale s’établira à Stras- bourg – après un essai malheureux à Luxembourg – sous la forme juridique d’une association : l’Association pour l’enseignement du droit comparé.

 

QUEL AVENIR POUR LA FACULTÉ INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ? 

le droit comparé5. S’y ajoute ensuite la présence croissante de situations ou de rapports juridiques mettant en cause des ressortissants d’États différents : ces rela- tions peuvent déboucher sur l’application de la loi étrangère par le juge du for, ce qui nécessite la connaissance de cette loi étrangère, sa compréhension à partir des textes, de la jurisprudence, des conditions sociales de son application, de la vérification de sa compatibilité avec l’ordre public national, etc. Il s’agit là d’une première conception du droit comparé qui met l’accent sur sa fonction instru- mentale.

Un autre courant consiste à concevoir le droit comparé comme une véritable science, disposant de son objet propre et de ses méthodes spécifiques. Il s’agit de saisir les ressemblances et les différences entre ordres juridiques distincts, de manière à pouvoir les ordonner en structures typologiques plus vastes (familles, systèmes) permettant ainsi, à l’aide de la méthode de la comparaison juridique, d’aboutir à une meilleure compréhension du phénomène juridique dans son ensemble, c’est-à-dire tel qu’il se présente dans sa variété à l’échelle du monde.

Il semble clair que ces deux conceptions du droit comparé ne doivent être considérées ni comme opposées ni comme antagonistes. Au contraire, ces deux approches ne sont pas exclusives l’une de l’autre, car elles sont manifestement complémentaires6. Les deux possèdent d’ailleurs un point commun puisque les deux partent du présupposé qu’il est important et nécessaire – pour tout juriste – de connaître les droits étrangers, de sortir de ce que l’on pourrait appeler un

« monisme juridique », ou un enfermement du droit dans les seules frontières nationales, postures totalement inadéquates à l’heure d’une internationalisation croissante des rapports juridiques. De tout cela, Felipe de Sola Cañizares était fortement persuadé dès les années 1960.

Les années 1960 correspondent aux débuts de la construction européenne, plus exactement à l’essor des institutions et du droit de la Communauté économique euro- péenne (CEE). Le droit communautaire, tel qu’il se forme à l’aide des normes euro- péennes et des arrêts de la Cour de justice interpelle aussi les comparatistes qui y découvrent l’influence qu’ont pu exercer certains droits nationaux, eux-mêmes se transformant sous l’emprise de notions héritées d’un droit national avant d’être véhiculées par le droit communautaire et reprises par tous les droits nationaux. Ainsi en a-t-il été, par exemple, de la notion de protection de la confiance légi- time, provenant du droit allemand et diffusée par l’intermédiaire de sa reprise par le droit communautaire dans le droit des autres États membres.

Les années 1960 sont aussi celles qui marquent la perpétuation de la « guerre froide ». Le « rideau de fer » freine incontestablement la circulation des notions

  1. Le terme allemand correspondant Rechtsvergleichung (que l’on pourrait traduire par comparaison juridique) illustre plus clairement la nature du droit comparé. Il ne s’agit pas d’un droit positif comme le seraient le droit civil ou le droit administratif, mais des processus et des finalités de la comparaison entre institutions et droits positifs différents.
  2. Sur ce débat qui agite le droit comparé depuis ses origines, on lira avec intérêt et profit l’ouvrage de Th. RAMBAUD : Introduction au droit comparé, PUF, coll. « Quadrige », 2017.

 

juridiques et les contacts entre juristes des pays de l’Est et des pays occidentaux. Ce commerce juridique si intense avant la guerre devient de plus en plus difficile à maintenir, tant les obstacles de toute sorte (matériels, idéologiques) sont nom- breux. D’autant que le droit socialiste et la légalité « socialiste » qui se mettent en place au-delà du « rideau de fer » sont dans leur essence et dans leur contenu profondément différents des droits « capitalistes » qui règnent à l’Ouest.

Le fait que dans un certain nombre de ces pays de l’Est européen l’on ait conservé des pans entiers de la législation inspirés des pays occidentaux au moment de leur adoption, avant la mainmise de l’Union soviétique et la trans- formation de ces pays en « démocraties populaires », avive le besoin de suivre l’interprétation qui en est donnée par la doctrine et la jurisprudence de leurs pays d’origine. Ajoutons aussi que pour un étudiant ou un professeur provenant de ces pays-là, les sessions de la Faculté internationale, qu’elles se tiennent à Strasbourg (session de printemps) ou dans une université étrangère (sessions d’été), représen- tent une véritable « bouffée d’air frais », l’occasion de nouer des contacts, voire des amitiés durables, la perspective enfin de s’ouvrir aux richesses qu’apportent la connaissance des droits étrangers et leur comparaison.

En quoi consistait l’originalité de  la  Faculté  internationale  de  droit  com- paré (FIDC) pour ceux qui voulaient s’initier à la comparaison juridique ? (II).

 

 

    1. – LA FIDC, UNE INITIATION INÉDITE À LA COMPARAISON JURIDIQUE

Il faut commencer par insister sur un point : les sessions annuelles de la FIDC, d’une durée de trois semaines, ne prétendaient pas former un « comparatiste » digne de ce nom en ces quelques semaines. Il s’agissait essentiellement de donner le goût du droit comparé en suivant une progression méthodique en trois cycles, chacun d’une durée de trois semaines, le succès au premier cycle conditionnant l’entrée au deuxième, et ainsi de suite. Pour les étudiants de doctorat fréquentant la Faculté internationale la session de trois semaines était aussi l’occasion de fré- quenter les bibliothèques juridiques de la Faculté de droit de Strasbourg et celles des autres universités hôtes d’une session d’été, ce qui leur permettait de com- pléter leurs recherches.

Le premier cycle consistait en une introduction aux grands systèmes juridiques contemporains : Introduction au droit comparé, Droits continentaux, Common Law (dans ses variantes du Royaume-Uni et des États-Unis), Droits africains, Droits musulmans, Droit chinois, Droits socialistes (puis post-socialistes). Cette liste pouvait évidemment recevoir, au fil des années, des modifications et des ajouts, à condition qu’ils ne remettent pas en cause un volume horaire calibré pour chaque semaine. Ces enseignements de premier cycle sont dispensés, la plu- part du temps, par des professeurs issus des systèmes juridiques qu’ils présente- ront, ou bien par des professeurs dont les travaux et les enseignements attestent d’une compétence indiscutable dans tel système juridique. Il convient d’ajouter

 

QUEL AVENIR POUR LA FACULTÉ INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ ? 

que les cours donnés par les professeurs ne sont pas payés : chacun se voit rem- bourser ses frais de voyage, et reçoit un modeste per diem de 150 , destiné à cou- vrir ses frais d’hébergement et de restauration. Ce n’est donc pas par goût du lucre que ces éminents collègues venaient à Strasbourg et aux sessions d’été : leur fidélité témoigne de l’intérêt qu’ils trouvaient à enseigner à la Faculté internatio- nale, et aussi de cette occasion qui leur était donnée de côtoyer, pendant une semaine, des collègues d’autres pays. Chaque semaine de la session se termine par un examen dans chaque matière enseignée, dont les modalités (oral ou écrit) sont laissées à chaque enseignant.

Le deuxième cycle, ouvert aux étudiants détenant le diplôme du premier cycle, était orienté vers une mise en œuvre de la comparaison juridique. Les cours, d’une durée de huit heures, portaient par exemple sur « Les successions en droit com- paré », « Les libertés publiques en droit comparé », « Les contrats de l’adminis- tration en droit comparé », « La règle ne bis in idem en droit comparé », etc. Il s’agissait pour le professeur de creuser sur un laps de temps limité mais consé- quent, une institution, une règle ou en principe à travers la comparaison entre plusieurs droits positifs.

On ajoutera qu’un premier et un deuxième cycle se déroulaient traditionnel- lement au printemps (pendant les vacances universitaires) à Strasbourg, la Faculté de droit de cette université mettant très aimablement à disposition deux salles de cours et un secrétariat, tenu depuis 1976 jusqu’à son départ en retraite, par la dévouée et compétente Nicole Di Lello, qui est la mémoire de la Faculté interna- tionale.

À côté de la session strasbourgeoise annuelle de printemps, pouvait avoir lieu, selon les années et selon la disponibilité des universités, une session d’été, dans une université étrangère accueillant étudiants et professeurs des premier et deuxième cycles, et parfois même du troisième cycle. Ainsi, la Faculté internationale a-t-elle pu tenir des sessions d’été par exemple à Rostock, Mannheim, Freiburg in Brisgau, Coimbra, Lausanne, Namur, Cluj, Luxem- bourg, Bucarest, Reggio di Calabria. Occasion donnée d’enrichir la palette des enseignants et de mettre en contact les collègues étrangers et locaux s’intéressant au droit comparé.

Un troisième cycle, dont l’accès était réservé aux étudiants possédant le diplôme du deuxième cycle, avait lieu lorsque le « réservoir » d’étudiants poten- tiels avait atteint un certain niveau, et de ce fait, ce troisième cycle n’avait pas lieu chaque année. L’idée qui présidait à ce troisième cycle consistait à choisir un thème général pour une session de deux semaines : « La vente en droit comparé »,

« Internet et la protection des données personnelles en droit comparé », etc. Ce thème était communiqué à l’avance aux étudiants, dont le rôle était d’apporter le maximum de renseignements sur l’état de leur droit positif (législation, régle- mentation, jurisprudence) de manière à aboutir, par la confrontation de ces don- nées, à un véritable exercice de droit comparé en action. Le rôle des professeurs était alors davantage un rôle de direction et d’animation de la discussion que celui d’un distributeur de savoir.

 

Quelques mots sur les étudiants7. Sélectionnés sur dossiers, acquittant un droit d’inscription de 250 , ceux dont les ressources étaient limitées (après examen des fiches d’imposition des parents) recevaient une bourse en nature, couvrant leurs frais de voyage, leurs frais de restauration (tickets pour l’accès au restaurant universitaire) et leurs frais de logement (en cité universitaire ou dans de modestes hôtels).

L’équipe chargée de l’administration de la Faculté internationale a toujours été réduite et ses responsables n’ont jamais reçu de contrepartie financière. Au sommet, un président – à savoir le président de l’association servant de support juridique à la Faculté internationale –, un universitaire de renom, un comparatiste, doté d’un incontestable prestige. Trois présidents se sont succédé depuis la fon- dation de la Faculté internationale : le doyen Gabriel Marty, le doyen Georges Vedel, le président Jacques Robert. La direction de l’association était ainsi assurée par un universitaire désigné, comme le président, par l’assemblée générale, com- posée de tous les enseignants de la Faculté internationale – présents ou représentés et se réunissant à l’occasion de la session de printemps de Strasbourg. Ce directeur porte le titre de « doyen de la Faculté internationale de droit comparé », et cette fonction – évidemment non rémunérée – a successivement échu aux professeurs René Rodière, Alfred Rieg, Vlad Constantinesco, assisté de la vice-doyenne Estelle Naudin.

 

    1. – ÉROSION DES SOUTIENS ET CHANGEMENT DE CONTEXTE

Le sort d’une institution comme la Faculté internationale de droit comparé dépend non seulement de ses ressources, mais aussi de l’adéquation de ses prestations aux demandes des étudiants appelés à la fréquenter. Or, sur ces deux points, on doit constater que l’évolution depuis les années 1960 n’a pas été favorable à la Faculté internationale, ce qui a conduit ses responsables (assemblée générale, doyen et vice- doyen) à proposer un changement de cap pour la poursuite de ses activités.

Commençons par la question du financement. Le financement des dépenses relatives aux professeurs (voyages et per diem) et des étudiants boursiers (voyages, restauration, logement) est assuré par le produit des droits d’inscription, pour une part limitée, et surtout par des subventions publiques sollicitées et reçues par la Faculté internationale. Force est de reconnaître que le ministère français de l’Éducation nationale ou celui des Universités n’est jamais parvenu à dégager la moindre subvention. Par contre, le conseil général du Bas-Rhin et la ville de Strasbourg, conscients de l’intérêt de promouvoir ainsi indirectement l’Alsace et

 

  1. On signalera l’existence d’une association des anciens étudiants de la Faculté internationale qui entretient le « blog des comparatistes » accessible par ce lien : http://les-comparatistes.over- blog.com/.

QUEL AVENIR POUR LA FACULTÉ INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 

sa capitale auprès de visiteurs de qualité, ont permis à la Faculté internationale de poursuivre ses activités, jusqu’à ce que ces financements publics se tarissent inexo- rablement, ce qui conduira les instances de la Faculté internationale à s’interroger sur son avenir, et à décider de prendre un cap différent.

Mais les mutations les plus importantes sont celles qui concernent les étu- diants potentiels de la Faculté internationale. À l’époque de sa naissance, le droit comparé n’était guère enseigné en tant que matière universitaire inscrite au pro- gramme des études de droit. La Faculté internationale comblait ainsi ce besoin d’information sur les droits étrangers qui n’était guère assuré par les facultés nationales.

Mais, au fil des années, le droit comparé – sous la forme et l’étiquette des

« Grands systèmes juridiques contemporains » – a pris place de plus en plus dans les enseignements universitaires et a fait presque partout en Europe l’objet de cours dédiés. Le développement et le succès du programme Erasmus ont permis à nombre d’étudiants de s’initier à d’autres droits que le leur, ce qui a, de ce fait, réduit la « clientèle » potentielle de la Faculté internationale. Enfin les partenariats entre telle université française et telle université étrangère se sont beaucoup déve- loppés (on songe, parmi bien d’autres exemples, au remarquable partenariat entre les universités de Paris I et de Cologne, né sous l’impulsion des professeurs

M. Fromont et U. Hübner, et qui se poursuit toujours avec succès). Aujourd’hui, il est peu d’universités et de facultés de droit en Europe qui n’aient institué de tels partenariats, permettant même souvent la délivrance de doubles diplômes. Des formations diplômantes comme le Magistère de juristes d’affaires franco-alle- mand de l’université de Strasbourg, des lieux comme le Centre juridique franco-allemand de l’université de la Sarre drainent des candidats qui se spécialiseront dans l’étude comparée du droit français et du droit allemand. Des exemples analogues pour- raient être trouvés pour d’autres droits.

Enfin, le développement d’Internet a donné l’illusion à chacun qu’il pouvait facilement connaître les droits étrangers : les moteurs de recherche ne permettent- ils pas de trouver facilement et rapidement telle disposition législative ou telle jurisprudence étrangères ? Tous les droits du monde entier ne semblent-ils pas devenus maintenant à la portée de chacun ? Les comparatistes savent, eux, com- bien il s’agit d’une fausse bonne idée, en réalité d’une illusion, et combien rien ne remplace une longue et patiente initiation à une autre culture juridique que la sienne, à travers ouvrages, recueils de jurisprudence, recherches, séjours, etc. Mais les étudiants sont-ils en mesure de mesurer ces difficultés et de les affronter ? N’est-il pas plus commode et rapide de faire confiance à « M. Google » plutôt que de se plonger pendant de longues heures dans de nombreuses lectures dont il faut déjà savoir où en dénicher les titres avant d’en évaluer l’importance et la valeur ?

Ces différents facteurs expliquent la progressive réduction du nombre de can- didats qu’a pu connaître la Faculté internationale au long de ces dernières années. Certaines sessions n’ont même pas pu avoir lieu faute d’un nombre suffisant d’étu- diants inscrits…

 

Ces divers phénomènes ont conduit les instances de la Faculté internationale à s’interroger sur son avenir, en se demandant s’il ne fallait pas réorienter ses acti- vités, et abandonner la mise en place de sessions de printemps et d’été, confor- mément à son traditionnel programme. L’accord s’est fait sur un nouveau cap donné à la Faculté internationale : assurer, dans la limite disponible de ses fonds (qui, faute d’apports extérieurs sur lesquels il ne faut pas compter, diminueront inexorablement jusqu’à disparaître), le financement d’un Prix de thèse récompen- sant une thèse en droit comparé. Le corps enseignant de la Faculté internationale est suffisamment varié et représentatif des divers systèmes juridiques du monde et des diverses spécialités à l’intérieur de tel système pour pouvoir fournir, selon la périodicité décidée (annuelle ou tous les deux ans) les membres d’un jury qua- lifié pour juger de la valeur des thèses en compétition.

Ainsi, tel le phénix renaissant de ses cendres, la Faculté internationale pourrait- elle demeurer encore quelque temps présente dans le monde universitaire et conti- nuer d’œuvrer pour le rayonnement du droit comparé.

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